Les loups n'ont pas été réintroduits en France
Publié par Jean-François Noblet le mercredi 15 décembre 2004
1) Le Français moyen ne dispose pas d'une culture naturaliste et la biologie ou l'écologie de la faune sauvage ne le passionnent pas encore. Aussi dès qu'il aperçoit un animal étrange ou nouveau dans son environnement généralement urbain, c'est un animal "relâché". Dès qu'une espèce augmente ses effectifs (Buse variable, Chevreuil, Chamois) ou change de comportement (Héron chassant dans les échangeurs d'autoroute), il ne s'agit pas d'un phénomène naturel mais d'animaux malades ou domestiqués qu'il conviendrait de gérer (de tirer !) avant la pullulation. Comme s'il était inconcevable de cohabiter avec une faune abondante et peu farouche ! L'évolution naturelle de populations animales ne fait pas partie des connaissances consensuelles de notre société et l'apparition brutale du loup, prédateur mythique porteur d'une image contrastée dans une opinion non préparée, ne pouvait qu'être anormale et attribuée à l'action des écologistes (associatifs, politiques ou du Ministère de l'Environnement).
On notera la connotation de loups "étrangers" venant de l'Est, dans une région déjà fortement traumatisée par la peur de l'immigré et l'intelligence des chasseurs qui ont fortement accrédité la thèse de la rumeur pour ne pas y être associés.
2) Bien que les naturalistes savaient depuis les années 80 que le loup finirait par arriver d'Italie, il faut bien reconnaître que la discrétion excessive des autorités françaises (Ministère de l'Environnement et Parc national du Mercantour) autour des premières observations réelles et, à contrario, l'excès d'enthousiasme de la presse spécialisée telle que le magazine Terre Sauvage, ont pu générer une suspicion dans l'opinion. Les biologistes naturellement prudents pour éviter le dérangement des premiers loups, et s'assurer de la réalité du phénomène de colonisation, n'ont pas su communiquer efficacement. L'effet produit dans l'opinion par l'apparente inertie de l'administration visiblement dépassée, la protection légale du loup obtenue très vite et la rétention d'information dans le grand public ont contribué à semer le doute et l'interrogation.
3) Les opposants au loup ont cru, en lisant trop vite les textes de la convention de Berne et de la directive Habitat, que des loups lâchés artificiellement pourraient être éliminés. Aussi on a vu se constituer une coalition d'éleveurs, de responsables agricoles et de chasseurs, soutenus par démagogie par des élus locaux non compétents et par une certaine intelligentsia socioculturelle, tentant d'accréditer la thèse de la réintroduction des loups en France par des écologistes extrémistes.
Voyons quels sont les auteurs de cette rumeur …
Nous en distinguons quatre catégories :
1) Des représentants du pastoralisme
L'un des plus influents est Monsieur Francis Solda, président du Syndicat ovin des Alpes de Haute Provence et président du Centre d'Etudes et de Recherches Pastorales Alpes Méditerranée (CERPAM).
Il déclare sous serment le 30 janvier 2003 devant la commission d'enquête parlementaire : "Pour comprendre notre opposition au loup, il faut d'abord se rappeler comment il est arrivé, en se demandant ce que sont devenus les loups d'élevage des Alpes Maritimes. Que sont devenues, par exemple, les cinq ou six louves du président de France-Loup René Burle !" Voici la réalité : Monsieur Solda après une franche et vigoureuse explication avec Monsieur René Burle, le président d'honneur du groupe Loup France (Ferus) a reconnu avoir exagéré et fait un amalgame avec un couple de loups canadiens apprivoisés exhibés par Monsieur Le Hir, leur propriétaire breton, à la foire à la lavande de Digne (04), à la demande du comité des fêtes de Digne (R. Burle communication personnelle).
L'un des plus convaincants est Laurent Garde, chercheur au CERPAM, qui a étudié sérieusement la question et lu beaucoup de publications écrites par des passionnés du loup. Les questions qu'il pose sont pertinentes. Malheureusement il ne les pose pas aux interlocuteurs concernés et n'écoute pas les réponses cohérentes apportées par eux. Nous attendions beaucoup de sa déposition à la commission d'enquête pour connaître les soi-disantes preuves d'une réintroduction faite par des écologistes. Astucieusement il se contente de déposer un rapport écrit : "Les conditions du retour du loup en France : éléments techniques à partir du dépouillement de publications. CERPAM, février 2003". Nous lui avons demandé ce document et nous n'avons pas pu l'obtenir sous prétexte qu'il n'a pas le droit de citer ses sources. Ainsi le pourfendeur du manque d'informations des autorités de l'Etat utilise le même procédé.
Dans sa déclaration le 5 février 2003 à la commission d'enquête, il déclare "Je ne peux vous donner qu'un avis personnel. Ecologiquement, il ne semble pas impossible que le loup ait recolonisé naturellement les Alpes françaises à partir de Gênes, mais sociologiquement, il ne semble pas impossible, vu la passion pour la réintroduction des prédateurs qui régnait dans les années 80, que des réintroductions aient pu être effectuées. Je suis incapable de trancher, mais j'ai des textes d'auteurs, passionnés de loups, datant de la fin des années 80 jusqu'en 1992, écrivant en toutes lettres que des loups ont été lâchés en France clandestinement sans préciser les zones en question. Je ne tranche pas entre les deux thèses."
Aujourd'hui son discours a heureusement évolué :
Dans un récent entretien, il nous déclare que "ce débat est dépassé" et que "le dossier de la colonisation naturelle est solide" sans exclure un coup de main des écologistes. Il admet que des loups des Apennins sont passés en France et que "l'opacité des informations du Ministère de l'Environnement" et "les allusions maladroites des écologistes" ont contribué à semer le doute.
L'un des plus excessifs est René Blanchet, président de l'association européenne du pastoralisme contre les prédateurs. Ayant très vite compris que l'union faisait la force, il tente avec une minorité d'éleveurs de faire un amalgame entre les situations vécues par le pastoralisme dans divers pays et divers prédateurs d'Europe. L'idéal pour lui ce serait de "tout y tuer" ou pour faire plaisir aux écologistes de mettre ces loups en enclos. Il affirme sous serment et sans rire que les loups qui voyagent en couples sont des mutants, que le loup est présent en Chartreuse (ce qui loin d'être prouvé en 2004) et qu'il est certain que le loup a été réintroduit (18 décembre 2002, rapport de la commission d'enquête parlementaire p 112).
2) La mouvance écologiste
Il faut bien admettre que plusieurs éléments dus à la mouvance écologiste ont contribué à jeter le trouble et aider la rumeur des réintroductions :
Tout d'abord, le fameux colloque du 6 décembre 1988 à Saint Jean du Gard organisé par le Ministère de l'Environnement sur les réintroductions animales. J'y ai participé et j'ai répondu au questionnaire adressé par Martine Bigan de la Direction de la protection de la Nature sur les réintroductions que nous connaissions. Dans un désir d'exhaustivité, Martine Bigan a cité le lâcher de loups polonais effectué dans les Landes en mai 1968. Cette opération imbécile, menée par une personne irresponsable, Monsieur Jacques Delperrié de Bayac, avec des loups captifs achetés à G. Menatory s'est heureusement soldée par un échec et la mort des loups très rapidement (P. Pfeffer, communication personnelle).
Signalons pour être complet, que G. Menatory, furieux que l'on ait sacrifié des loups dans ce projet qui n'avait pas son accord, avait engagé un procès contre J. Delperrié de Bayac. Je pense que Martine Bigan aurait pu facilement éviter cette mention anecdotique qui n'apportait rien au débat de fond, et qui a jeté le doute sur l'action du Ministère de l'Environnement. Mais à cette époque qui se serait douté des polémiques futures ?
La communication de F. de Beaufort à ce même colloque était plus intéressante. Elle excluait, à raison, une réintroduction en nature et suggérait de faire une expérience en enclos forestier. Antoine Reille, un des leaders écologistes associatifs, membre du Conseil national de protection de la nature, jugeait la réintroduction du loup inopportune et personne ne la cautionnait dans ce colloque et ses actes.
Il est cependant étonnant que l'on relise avec autant d'assiduité les actes de ce colloque ancien alors que personne n'a trouvé depuis dans la multitude des textes officiels ou associatifs sur les réintroductions animales d'autres points d'ancrages pour cette rumeur. Je citerai le remarquable travail : "Les réintroductions animales en Rhône-Alpes de J.L. Michelot. FRAPNA / Région Rhône-Alpes, janvier 1991".
Il nous faut parler ici de l'intervention de Franco Zunino, environnementaliste italien. Franco Zunino était mon ami. Je l'ai connu en 1979 alors qu'il était garde du Parc national des Abbruzzes. Grâce à lui, j'ai observé l'ours et permis au directeur de la Fédération des Alpages de l'Isère de connaître le pastoralisme cohabitant avec des prédateurs.
Quand j'ai appris qu'il prenait systématiquement le contre-pied des scientifiques et des autorités italiennes en refusant la thèse de la colonisation naturelle du loup italien vers la France, j'ai souhaité reprendre nos relations amicales. Depuis le 5 décembre 2001, j'ai entretenu une correspondance détaillée, argumentée avec lui pour comprendre ses arguments et tenter de le convaincre qu'il accréditait la thèse des opposants au loup. Je lui ai proposé de venir, à mes frais, en France, examiner les cadavres de loups disponibles et visiter le laboratoire de P. Taberlet pour discuter des analyses d'ADN. Ce fut une perte de temps inutile. Franco Zunino ne connaît rien en génétique. Il ne jure que par un laboratoire américain sans savoir que Lisette Waits, directrice du principal laboratoire américain, a été formée fin 1996/1997 chez P. Taberlet.
Franco Zunino prétend en visionnant "les monceaux de documents photo et film" sur les loups français qu'il y a plusieurs morphotypes, ce qui sous-entend plusieurs réintroductions. Je lui envoie alors la photographie du loup prise dans un jardin des Alpes Maritimes et publiée dans Paris Match. Aussitôt il répond que ce n'est pas un loup italien, ce qui est contredit par l'analyse ADN des poils retrouvés sur le grillage. Zunino accuse les parcs animaliers français de relâcher des loups, en particulier le Parc du Gévaudan. A la lecture de ses lettres, je me suis rendu compte qu'il confondait Fontan (06) avec Aspres-les-Corps (05), le Parc national des Cévennes avec celui du Mercantour. La vérité est qu'il n'y a pas de loups italiens en captivité en France, et que seuls trois centres d'élevage en captivité existent en Italie sous le contrôle d'un organisme public, le Corpo forestale delle Stato.
"Or aucun de ces centres n'a jamais laissé libre un loup" déclare L. Boitani sous serment à la commission d'enquête parlementaire. Quant au Parc du Gévaudan fondé par G. Ménatory, il ne dispose pas de loups italiens et ses responsables se sont toujours opposés à une réintroduction effective avec des loups captifs.
Bref, F. Zunino a pu, grâce à ses arguments fallacieux et non fondés, poursuivre son opposition aux thèses officielles italiennes. Son exclusion du Parc national des Abbruzzes et sa marginalisation du mouvement associatif naturaliste italien expliquent son attitude et son raisonnement le menant à une impasse. J'ai tenté, sans y parvenir, de lui éviter de se ridiculiser et de se compromettre avec les pires opposants à la vie sauvage.
Enfin quelques exemples démontrent que les environnementalistes ne sont pas exempts d'erreurs de communication.
· Jacques Baillon fait allusion en 1990 dans son livre "Nos derniers loups" aux tentatives de réintroduction de loups en France. Il m'écrit le 4 mai 2003 avoir été très surpris de constater que la commission d'enquête parlementaire avait saisi sa petite phase faisant allusion au lâcher infructueux de Delperrié de Bayac en 1968 dans les Landes. Encore une fois on va chercher très loin des allusions, des petites phrases sans rechercher des projets officiels, des comptes-rendus d'assemblée générale d'associations ou des publications scientifiques sur les réintroductions (exemple : J-P Choisy, chargé de mission faune au Parc naturel régional du Vercors. Réintroductions animales et biodiversité. Objectifs, stratégies. La Fayolle n°5 Hiver 2003).
· Dans le même style d'erreur, on peut citer le livre de Brigitte Bardot, "Un cri dans le silence", paru en 2003 page 34 qui parle des loups réintroduits dans le Mercantour.
· Et, pour n'épargner personne, le compte rendu de mon intervention personnelle aux premières assises de la protection animale organisées en juin 2001 par la SPA. Ce texte rédigé par la SPA et publié sans mon accord et ma relecture parlait de réintroduction de loups alors que j'avais bien parlé de retour naturel du loup en France. Ceci démontre que les écrits des naturalistes ont, hélas, quelque fois favorisé la rumeur.
3) L'intelligentsia socioculturelle
Ce qui est plus étonnant, c'est la participation active de Madame Campion-Vincent, ingénieur de recherche au CNRS et spécialiste des rumeurs et légendes contemporaines, à la propagation de la rumeur. Si son travail sur les archives et articles de journaux anciens peut présenter de l'intérêt, son manque de connaissances naturalistes et sa partialité mérite notre désapprobation. Par exemple, elle publie dans l'ouvrage collectif d'opposants au loup "Le fait du loup", 2002 Centre Alpin et Rhodanien d'ethnologie, Grenoble, un extrait du livre de C. Kempf "Le retour des seigneurs" qui évoque des relâchés discrets de loups en Europe (p 91). Evidemment Mme Campion-Vincent oublie la première phrase du paragraphe p 87 qui dit : "il semble qu'aucune réintroduction du loup n'ait été tentée." Le plus grave de la manipulation de Mme Campion-Vincent réside dans cette terrible accusation p 38 du même ouvrage. "La vigueur avec laquelle les autorités et les associations nient, en France, toute opération de réintroduction ayant pu conduire à son retour, en est un indice."
On a donc passé en revue les principaux auteurs de la rumeur. Il reste à voir quels sont les vecteurs de transmission.
4) Les élus locaux
On peut évidemment citer Christian Estrosi le député qui aurait bien aimé, à travers son enquête parlementaire, démontrer la réintroduction des loups en France. C'était le but principal de la commission d'enquête, qui, petit à petit, a revu ses objectifs pour s'intéresser aux autres prédateurs et surtout au pastoralisme, ce qui est une excellente évolution. La commission d'enquête conclue que les loups trouvés en France sont italiens, que la colonisation naturelle est probable sans exclure une réintroduction.
Pour la petite histoire, je voudrais vous rapporter le témoignage sous serment d'un conseiller général de l'Isère J.A. Richard qui déclare à la commission : "Un de mes beaux frères, chasseur éminent, a acquis la certitude, après examen de cadavres de loup, qu'il s'agissait de loups d'élevage. Il a trouvé en effet, des plaques en inox à l'intérieur d'un de ces loups, qui avait donc été opéré." Voici, après enquête, la réalité : Monsieur Henri Meunier, chasseur à la retraite, a lu un article sur le loup de Fontan montrant que celui-ci avait une ancienne fracture et une trace de collier prouvant qu'il aurait été captif.
Nous avons vu pourquoi et comment la rumeur de la réintroduction des loups s'est répandue. Voyons maintenant pourquoi elle peut être objectivement contredite.
En fait nous nous sommes félicités de la création de cette commission d'enquête parlementaire et nous y avons participé activement. Elle a interrogé sous serment des dizaines de personnes concernées en France et en Italie, membres des associations de protection de la nature, des parcs nationaux, des élus locaux et des ministres de l'environnement. Monsieur C. Estrosi est même allé chercher des indices dans les budgets des associations. Il rêvait de trouver des preuves de la soi-disante réintroduction des loups en France et il doit aujourd'hui reconnaître qu'il n'en a pas trouvé. Il doit donc se contenter de la thèse suivante : on a rien trouvé mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien. En tout cas, tout le monde s'accorde sur les faits suivants :
- A l'exception de quelques loups captifs échappés de captivité et rapidement tués ou repris, tous les loups sauvages trouvés en France depuis 1992 sont tous des loups dont l'ADN atteste leur origine italienne.
- L'ensemble des associations concernées, les cinq ministres français de l'environnement de toutes tendances politiques, les dirigeants du Parc national du Mercantour, les spécialistes de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ou du ministère de l'environnement ont tous, unanimement et sous serment, démenti la thèse de la réintroduction.
- Les écrits et les faits rapportés, principalement oraux pour tenter d'accréditer la rumeur sont souvent anciens, sujets à interprétation, éparpillés, déformés, comme on a pu le prouver antérieurement. Ils émanent tous des opposants au loup à l'exception de F. Zunino qui ignore tout de la situation des loups en France.
- La recolonisation des espaces désertés par l'homme par les prédateurs survivants n'est pas un phénomène nouveau en Europe. On en connaît de nombreux exemples. Tout d'abord en Italie où l'abandon de la chaîne montagneuse centrale du à l'exode rural vers les villes et les côtes a entraîné la reforestation, l'augmentation des populations d'ongulés (chevreuil, sanglier, cerf…). Les loups ayant survécu dans des parcs ou des zones désertiques (Abbruzzes, Calabre) ont pu tranquillement recoloniser la chaîne centrale du pays et reconnecter les noyaux résiduels de population. Il était normal, grâce à la protection réglementaire, que leur expansion ne s'arrête pas aux frontières française ou suisse. On assiste à la même évolution avec les ours en Autriche, le chacal en Slovénie et Italie, le loup en Allemagne ou en Scandinavie.
- Ces mouvements de colonisation naturelle des loups italiens a déjà existé en France du 16e au 18e siècle dans la région Rhône-Alpes (Molinier A. 2002 in : "Le fait du loup"). Un loup des Vosges en 1994 était déjà d'origine italienne. Nous avons fait analysé l'ADN de deux loups mâles tués à Vignieu (38) en 1954 et à Fontan (06) en 1987 par le laboratoire de Pierre Taberlet à Grenoble (38). Les deux proviennent de la lignée italienne.
- Un des arguments des opposants à la colonisation naturelle du loup est la grande distance trouvée entre les zones connues où vivent les loups italiens actuellement et les endroits où ils ont été repérés en France (Massif central, Pyrénées). En fait la bibliographie cite plusieurs exemples de grands déplacements animaux isolés, notamment en hiver. C'est un comportement typique de jeunes individus généralement mâles à la recherche d'un nouveau territoire. On a compté 800 km de trajet aux USA et Ingvarsonn K., 2002, mentionne un déplacement de 1000 km d'un loup mâle en Scandinavie (Nature, 420 : 472). En France, grâce aux analyses d'ADN du docteur Taberlet, on pense pouvoir suivre avec une très grande probabilité le parcours d'un même individu trouvé en Mercantour en 1997 et identifié en 2000 en Espagne (Catalogne).
Comme l'ensemble des ministères et des associations concernés n'ont jamais commencé la moindre étude en la matière et toujours manifesté leur opposition à un tel projet, il ne reste que la possibilité d'actes isolés réalisés par un irresponsable.
- Examinons dans cette optique la faisabilité d'une réintroduction artificielle. Il faudrait donc trouver des loups italiens. Comme il n'y a pas de possibilité en France où il n'y a aucun loup italien captif, il faudrait les trouver en Italie. On a vu que les trois centres d'élevage recensés n'en vendent pas. Luigi Boitani et l'administration italienne ont crée un livre généalogique de tous les loups italiens de race pure gardés en captivité. 17 sont recensés ce jour et l'administration italienne n'accorde que le prêt d'animaux non reproducteurs, en très petite quantité et ceci après une demande officielle, une instruction rigoureuse et l'avis d'une commission qui se réunit une fois l'an. La convention de prêt précise que les loups ne doivent pas être libérés ou donnés. Cette procédure confirme de façon très rigoureuse que les loups italiens trouvés en France et qui sont de race pure ne peuvent pas provenir d'élevages douteux ou clandestins en Italie.
Donc il faudrait capturer des loups sauvages en Italie là où ils sont nombreux, c'est à dire dans un parc national disposant d'un gardiennage efficace. Les spécialistes connaissent la difficulté de l'observation et de la capture du loup. Cela prendrait beaucoup de temps et de personnel, donc d'argent. On a vu que le nombre minimum d'adultes colonisateurs était 4, selon les analyses d'ADN. Si on voulait avoir une chance de succès, il faudrait avoir la chance de capturer deux mâles et deux femelles. Le temps d'y arriver discrètement, à l'insu des agents des parcs, cela suppose un lien de captivité avant le transit à travers la frontière.
Comme on le voit ce projet nécessiterait un gros budget, des compétences réelles du personnel, des moyens de transport. Il est impossible d'envisager que les loups italiens trouvés en France aient été relâchés clandestinement.
Je jure sur l'honneur que je n'ai jamais entendu parler en particulier dans les milieux associatifs de protection de la nature de projet de réintroduction de loups en France et que mon travail d'enquête ne m'a pas permis d'accorder foi à cette rumeur. Bien au contraire toutes les preuves scientifiques démontrent que les loups ont recolonisé naturellement notre pays. Je suggère aux associations de prendre le temps de démentir cette rumeur comme je viens de la faire et de mieux concevoir leur communication dans ce domaine. Cela permettra de dialoguer avec le monde du pastoralisme dans un climat apaisé, de confiance pour trouver ensemble les vraies solutions aux vrais problèmes.
Jean-François Noblet
Bibliographie :
- Assemblée Nationale. 2003 : Prédateurs et pastoralisme de montagne : priorité à l'homme. Rapport de la commission d'enquête parlementaire. 2 mai 2003. Paris.
- Baillon, J. 1990 : Nos derniers loups, les loups autrefois en Orléanais, histoire naturelle, folklore, chasse. Les Naturalistes Orléanais. Orléans.
- Campion-Vincent, V, Duclos, J-C, Abry, C. 2002 : Le fait du loup. De la peur à la passion : le renversement d'une image. Le Monde alpin et rhodanien, 1er- 3e trimestres 2002.
- Choisy, J-P. 2003 : Réintroductions animales et biodiversité. Objectifs, stratégies. La Fayolle n°5. Hiver 2003.
- Garde,L. 2003 : Les conditions du retour du loup en France : éléments techniques à partir du dépouillement de publications. CERPAM. Février 2003.
- Kempf, C. 1991 : Le retour des seigneurs. Le sang de la Terre. Paris.
- Michelot, J-L. 1991 : Les réintroductions animales en Rhône-Alpes. FRAPNA / Région Rhône-Alpes. Janvier 1991.